Journée du 05.05.1993

A Toulon, Auxerre bat Toulon 1 - 2 (mi-temps 1-1)

Spectateurs : 4.500.

Arbitre : M. Ramos.

Buts pour Toulon : Meyrieu (11e) ; pour Auxerre : Dutuel (21e), Martins (69e).

    Les Toulonnais avaient pourtant ouvert la marque par une tête de Meyrieu. Puis Vahirua lançait Dutuel, qui égalisait de la tête. En fin de première période, Toulon réclamait un penalty pour une faute sur Xuereb, mais l’arbitre restait de marbre. A la 69e minute, vint le deuxième but, par Martins. L’ultime effort des Varois fut infructueux. L’arbitre, M. Ramos, a eu une sortie difficile.

 

L'HUMANITE

Toulon ne croit plus aux miracles

L’an dernier, le Sporting avait obtenu un sursis inespéré. Les pros toulonnais se battront jusqu’au bout pour éviter la descente en D2 à la fin de la saison. Mais la DNCG pourrait, cette fois, pousser le club qui n’a pu résorber son énorme déficit à déposer le bilan.

UNE fois de plus, les « tuniques bleues » sont arrivées un peu tard pour évacuer un arbitre vers son refuge des vestiaires. Houspillé par le public du stade Mayol, durement pris à partie par certains dirigeants et joueurs toulonnais, M. Ramos, qui n’avait certes pas réalisé, samedi soir dernier, le meilleur match de sa carrière, ne méritait cependant pas d’avoir à attendre l’extinction des feux pour s’éclipser discrètement de la capitale varoise. Pour le président du Sporting, Guy de Courson, l’homme en noir a endeuillé la fin de saison de son équipe défaite par Auxerre (1-2) « en (nous) refusant au moins 2 penalties ». Un « hold-up » qui a eu, celui-là, pour effet de lui faire momentanément baisser les bras.

Voilà six mois, un tel revers face à une équipe « européenne » aurait été qualifié d’honorable. A quatre journées de la fin du championnat et malgré un calendrier qui s’annonce favorable, il a été ressenti comme une catastrophe. Les derniers groupes de fidèles du Sporting (tout juste 5.000 spectateurs samedi dernier) ont quitté le stade tête basse, se sont séparés près des quais du port en de brefs conciliabules sur l’avenir incertain du foot professionnel dans la région. Les pizzerias de la vieille ville n’ont pas réalisé leurs habituelles recettes d’après-match. Joueurs, familles et noyau dur des supporters s’étaient suffisamment rassasiés de soupe à la grimace dans les vestiaires...

Il faudrait gagner tous les matches
    « Bien sûr, on se battra jusqu’au bout », lâchait le jeune et talentueux arrière Martin en rangeant rageusement ses crampons dans un grand sac. « Il faudrait maintenant gagner tous les matches pour espérer s’en sortir », croyait bon de préciser Meyrieu en s’engouffrant dans la porte grande ouverte du vestiaire. « Et encore... », jetait un autre en priant ses collègues d’ajouter autant de lourds points de suspension qu’il le désirait. Les visages étaient graves. Beaucoup avaient encore les jambes au paradis de l’élite, mais la tête déjà au purgatoire de la D2, sans que l’étiquette de « super » dont elle sera affublée ne soit une consolation.

C’est que le Sporting qui n’arrive pas, malgré quelques bons résultats récents, à s’arracher des profondeurs du tableau est aussi, et surtout, sous la menace de tomber dans le trou de la « super-D2 » pour cause de passif financier non comblé. Le 3 mai dernier, les dirigeants toulonnais ont envoyé à la Direction nationale de contrôle et de gestion (DNCG) un rapport sur la situation du club. En résumé, Guy de Courson y explique qu’à la fin de cette saison, la trésorerie toulonnaise sera excédentaire. « J’ai comprimé la masse salariale à 19 millions de francs alors qu’il était prévu à ce chapitre 21,4 millions et nous pourrons dégager un total de 8 millions d’excédent », nous précise le président, excédé que l’on ne parle dans les médias de Toulon qu’au travers de ses acrobaties financières et non de ses exploits sportifs. Il faut bien avouer, cependant, que les premières sont souvent plus remarquables que les seconds...

Une ville aussi acquise au rugby
    Ainsi les joueurs toulonnais ont-ils été les seuls cette saison à menacer de se croiser les pieds pour toucher leur chèque de fin de mois. Leur (courte) lutte a été payante, comme on dirait à la rubrique sociale de « l’Humanité », puisque la Mairie de Toulon a débloqué en urgence sa subvention annuelle, à condition que ces 9 millions de francs servent aussi aux clubs de jeunes et au remboursement d’emprunts. Il faut également noter que le Sporting est la seule « entreprise sportive » française sans sponsor autre que son « patron », Guy de Courson. Ce dernier, homme d’affaires lié à la municipalité toulonnaise par des projets immobiliers, a fait inscrire sur les maillots « bleu et or » sa propre marque sans que l’on connaisse précisément le montant de ses investissements dans le club. Ils permettent sans doute, avec l’appoint conséquent du conseil général du Var (11 millions de francs par an) de joindre les deux bouts. Mais ils sont à l’évidence insuffisants pour commencer à combler un passif cumulé - héritage de la sulfureuse R. Courbis - de 45 millions de francs.

Or, la « ligne » de la DNCG, encore récemment réaffirmée par son président Yves Le Graët lors d’une visite d’information dans le Var, est extrêmement claire : « Plus de club en première division qui ne vive qu’aux crochets des collectivités locales. » Dans ces conditions, on ne voit pas comment le Sporting, déjà sportivement en difficulté malgré le travail remarqué de son trio « A. B. S. » (Alfano, entraîneur des jeunes ; Berenguier, directeur sportif ; et Storaï, entraîneur des pros), pourrait échapper à la relégation automatique. « J’ai un sponsor qui apportera 3 millions... si nous restons en première division », plaide encore, sans apparemment être lui-même convaincu, Guy de Courson. Mais c’est plutôt de dépôt de bilan, avec cette fois le retour à un statut amateur, qui guette son « entreprise ». Une entreprise qui emploie directement une cinquantaine de salariés et indirectement près de 800 personnes, tous fadas de foot dans une ville aussi acquise au rugby.

PHILIPPE JEROME